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20 novembre 2006 1 20 /11 /novembre /2006 11:27


Photo : fléchage dans un institut pour sourds

Article publié dans "PICTO MAG" n°9 de mai 2005
Petits meurtres en musique

 

 

 

Le 19 mars 2005, un merveilleux reportage diffusé sur France 3, nous a montré comment les sourds d’un institut pour sourds du Nord étaient initiés à la musique. Témoignages bouleversants d’enseignants ou parents, émerveillés de voir ces enfants sourds chanter ou produire de la musique. Il est même question qu’ils enregistrent un disque.

 

 

 

Claviers de pianos adaptés, avec touches lumineuses, vibrations, sensations, c’était formidable. Les enfants n’étaient plus sourds, ils entendaient. Une jeune fille sourde à qui on demande pourquoi elle aime la musique, répond que c’est parce qu’elle entend bien (sic). Miracle ? Une autre qui nous explique que pour elle, la musique ce sont des vibrations, des frissons. Là où nous entendons de la musique, ils voient des lumières, ils ressentent des vibrations. Ils produisent des sons que  nous sommes seuls à entendre ; ils ressentent autre chose dans un autre registre et on les juge sur la musique qu’ils produisent. Qu’est-ce qui est partagé, sinon le rêve d’une surdité disparue ?

 

 

 

Une enseignante qui travaille tous les jours avec des sourds, nous explique, avec un air jubilatoire, qu’après le concert de musique, sa propre fille (entendante) d’une dizaine d’années a mis en doute que ces enfants puissent être sourds. Quelle merveilleuse réussite, on ne voit plus qu’ils sont sourds. Et les parents de ces enfants, émus aux larmes par la disparition de la surdité, quel formidable reportage. Seule la présence d’une interprète en LSF, vue subrepticement nous rappelle qu’ils sont sourds. C’est le seul triste morceau qui a échappé aux coupes du montage.

 

 

 

Tous ces enfants sont des oiseaux faits pour voler et on leur apprend à nager. Ils sont à ce point parfaitement dressés, qu’on les prendrait presque pour des poissons. Seulement, à les conditionner de la sorte, ils vont finir par se noyer. Et ces enseignants de rêver peut-être que tous ces petits meurtres en musique finiront par éliminer complètement les sourds ? Comment ces professionnels peuvent-ils à ce point se fourvoyer ? Pourquoi les laisse-t-on ainsi tromper les parents de ces enfants ? Ils pourraient consacrer la même énergie à les ouvrir aux arts visuels. Non ! Ils sont sourds, et on choisit de tout miser sur un mode perceptif qui ne leur permettra jamais de briller. Au lieu de leur ouvrir les yeux, on les pousse dans leurs derniers retranchements auditifs. Dans quel monde vivons nous, qui autorise ainsi légalement ces meurtres en série ?

 

 

 

Dr Benoît DRION

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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